Ils sont scientifiques et appellent à la révolution climatique

Crédit : Scientist rebellion. Kaïna Privet et d’autres scientifiques lors d’une action en Allemagne en 2022.

Par Orianne Gendreau. De la tomate sur un Van Gogh, des sit-in sur les autoroutes en plein trafic, la désobéissance civile de certaines associations pour le climat prend depuis quelques semaines un tournant incisif. Et le collectif de chercheurs Scientifiques en Rébéllion (Scientist Rebellion) est de plus en plus actif. Le fait qu’ils soient scientifiques aura-t-il un impact sur les dirigeants politiques? Entretien avec la chercheuse française Kaïna Privet, spécialiste des araignées, qui a rejoint le mouvement en octobre 2022.

Suite à l’appel de 1000 scientifiques à la désobéissance civile

Le collectif Scientist Rebellion s’est créé fin 2020 à l’initiative de deux doctorants de l’Université St Andrews en Ecosse. Il regroupe désormais des scientifiques de toutes nationalités. Sa branche française renommée Scientifiques en Rébellion, est née suite à l’Appel de 1000 scientifiques à la désobéissance civile, paru dans Le Monde en 2020. Puis, la canicule, suivie d’une COP 27 sponsorisée par le premier producteur de plastique du monde et une coupe du monde de football entièrement climatisée, ont poussé d’autres scientifiques à les rejoindre.

L’exemple de la docteure en Écologie et Évolution Kaïna Privet

Kaïna Privet est docteure en écologie, spécialisée dans les araignées et ayant essentiellement travaillé au sein de l’Université de Rennes 1. Elle s’était déjà engagée il y a 10 ans dans des associations pour l’environnement. L’été 2022, la canicule et les modélisations scientifiques qui prévoient les changements climatiques à venir, l’ont amené à se renseigner sur Scientist Rebellion. La disparition de la faune et de la flore, affecte ses recherches : “il m’arrive de travailler sur certaines espèces d’araignées introuvables dans leur milieu naturel pour finalement me rendre compte qu’elles sont probablement éteintes. C’est frustrant et attristant”, constate-t-elle. « Pour moi, le temps des scientifiques qui alarment gentiment” est révolu. La sensibilisation et la vulgarisation sont des actions nécessaires lorsque la situation ne représente pas encore une urgence, mais la situation climatique actuelle a déjà dépassé ce stade. Nous avons utilisé les outils démocratiques usuels, ça n’a pas marché ” ajoute-t-elle en faisant référence aux GIEC, aux COP et la pétition l’Affaire du siècle (une campagne associative au nom de la justice climatique).

Sortir de la neutralité et rester rigoureux

Le collectif est ouvert à tous et à toutes les scientifiques.“Personne ne demande de diplôme à l’entrée” précise Kaïna Privet ironiquement,  » mais tous les membres travaillent dans la sciences, que ce soit dans des organismes de recherche, des bureaux d’étude, des hôpitaux ou des instituts. » De sorte que les militants de Scientifiques en Rébellion peuvent s’appuyer sur les publications et recherches professionnelles de leurs pairs pour alerter sur la gravité de la situation. Ils veulent monter en puissance dans la force du message, sortir de la posture neutre qui leur est généralement attribuée, tout en restant rigoureux dans leurs revendications et leurs dénonciations.

« Et la crise climatique est beaucoup plus effrayante que le risque d’être interpellé. »

On a assisté à des manifestations de scientifiques à l’automne 2022 pour demander « l’interdiction des jets privés, la taxation des grands voleurs », afin de « faire payer les grands pollueurs », dans une dizaine de pays, dont un rassemblement de scientifiques devant le siège de Dassault Aviation, sur les Champs-Elysées auquel Kaïna Privet a participé. En Allemagne, une campagne d’actions de deux semaines s’est aussi déroulée fin octobre à Berlin, puis à Munich. Le dernier jour, le 29 octobre 2022, le collectif a investi le showroom BMW, marque de voitures de luxe, pour jeter de la peinture et se coller les mains à une des voitures exposées. Quelques jours plus tard, une douzaine de participants sont emprisonnés. Ils étaient 60 à Berlin, 30 à Munich. Des scientifiques venus d’une quinzaine de pays différents.  » Notre mouvement prend de l’ampleur parce que les politiques ne prennent pas des mesures à la hauteur des enjeux, «  constate Kaïna Privet.  » Et la crise climatique est beaucoup plus effrayante que le risque d’être interpellé. »

D’autres actions en cours

Parmi les actions en cours, “Make them pay” est une campagne de dénonciation contre l’injustice climatique liée au secteur de l’aviation. Elle regroupe des citoyens et des scientifiques adhérents aux collectifs Extinction Rebellion et Scientist Rebellion.

28 décembre 2022/ mise à jour 18 janvier 2023

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