
Les réparateurs d’électroménager qui vous aident à garder plus longtemps un appareil pour lutter contre l’obsolescence programmée et baisser votre bilan carbone, on connait et on soutient. Mais un réparateur qui vous apprend à réparer, c’est plus rare. Surtout s’il se déplace en vélo. A Pau, Jean-Charles Bray, ingénieur de formation, a créé en janvier 2024 « la Chariotte Répare ». Cette entreprise vise à vous aider à reprendre le contrôle sur vos appareils du quotidien, en résistant à la tentation de jeter et d’acheter.
« Le boulot d’avenir, c’est la réparation d’électroménager, à domicile et à vélo ! »
« À l’origine tout est parti d’une blague » se rappelle le jeune ingénieur qui travaillait alors pour l’association « Envie » (spécialisée dans le reconditionnement d’électroménager). « J’ai plaisanté avec un collègue en disant : Le boulot d’avenir aujourd’hui, c’est de faire de la réparation d’électroménager, à domicile et à vélo ! » Un an plus tard, Jean-Charles est sur la selle de son vélo. Il sillonne les rues de Pau pour réparer les appareils de ses clients et leur apprendre à réparer. Dans un monde où remplacer semble souvent plus économique que réparer, il propose des interventions complètes, mais aussi pédagogiques, où il apprend à ses clients à effectuer eux-mêmes les réparations. En parallèle, il anime des ateliers gratuits chaque semaine, permettant aux habitants d’acquérir des compétences de base en réparation. De simples gestes, comme nettoyer un grille-pain, suffisent parfois à éviter que des appareils finissent à la déchetterie.

Une obsolescence programmée du produit dès sa fabrication
L’obsolescence programmée est reconnue et interdite par la loi française depuis 2015. Elle recouvre des pratiques très larges qui visent à produire volontairement des produits peu durables. Pour Jean-Charles, l’obsolescence programmée prend plusieurs formes. « Un ventilateur à 25 euros, personne ne va avoir intérêt à le réparer, il a été conçu avec des pièces de très basse qualité, » explique-t-il. Il déplore une industrie qui incite à la consommation continue, sans laisser la place à la réparation. « Parfois, même les pièces de certains appareils récents sont introuvables, c’est une démarche assumée par les fabricants. » Il constate également des pratiques plus subtiles dites d’obsolescence programmée dans certaines imprimantes équipées d’éponges d’encre, inutilisables une fois saturées.

« Avec l’essor technologique, il devient impératif de comprendre nos appareils. Sinon, nous risquons de ne pas maîtriser notre futur. »
Jean-Charles Bray observe une déconnexion entre les individus et leurs objets du quotidien. « C’est comme si nous avions perdu toute influence sur nos appareils, ils ne nous appartiennent plus », constate-t-il. Cette inquiétude le pousse à insister sur l’importance de connaître nos équipements : « Avec l’essor technologique, il devient impératif de comprendre nos appareils. Sinon, nous risquons de ne pas comprendre ni maîtriser notre futur. Beaucoup de gens pensent qu’ils ne sont pas capables de réparer, mais je suis là pour leur montrer le contraire », ajoute-t-il sur un ton encourageant. Ses ateliers gratuits, en plus d’attirer de nouveaux clients, suscitent également la curiosité et l’envie d’apprendre. Bien que la plupart de ses clients préfèrent des interventions complètes, rassurés par l’expertise du réparateur, Jean-Charles se réjouit de voir de plus en plus de personnes prêtes à « mettre les mains dans le cambouis ».
Le plus dur, c’est le lave-vaisselle
Vous avez déjà essayé de réparer vous-même votre électroménager? Vous vous êtes peut-etre déjà retrouvé dans la situation embarrassante d’avoir démonté et de ne pas pouvoir remonter? L’intérêt du concept de la Chariote Répare consiste justement à vous soutenir dans ces moments délicats. « Si vous n’arrivez pas à remonter l’appareil, je serais là, dans la cuisine, pour vous aider. Le plus difficile, c’est le lave-vaisselle, avec pas mal de capteurs. » explique Jean-Charles.
Un modèle économique qui fonctionne
Aujourd’hui, le réparateur parvient à vivre de La Chariotte Répare. « En début d’activité, le chômage m’a aidé à lancer l’entreprise. Aujourd’hui, j’ai un revenu suffisant.« explique-t-il. Jean-Charles envisage de renforcer son modèle économique par des subventions pour organiser ses ateliers gratuits. De plus, il devrait obtenir bientôt le label QualiRépar, cette aide de l’État qui permet à ses clients de se faire rembourser une partie des interventions. Il n’exclut pas l’idée de voir son concept s’étendre à d’autres villes. « Ce serait vraiment bien qu’il y en ait plus dans les grandes villes, si certains réparateurs sont motivés ce serait un plaisir de les aider », me confie-t-il, citant des exemples comme Grenoble ou Paris, où les déplacements à vélo sont facilités par des terrains plats et une forte demande en réparation.
Réparer : une philosophie de vie
Jean-Charles conclut l’interview par une anecdote frappante : « Une fois, j’ai réparé un micro-ondes chez une dame âgée. Je me suis déplacé le jour même, elle avait déjà commandé un nouveau four, juste au cas où. » Cette scène illustre le défi auquel Jean-Charles et sa philosophie se confrontent : changer les mentalités dans un monde où consommer est devenu un automatisme. Il invite chacun à prendre le temps de réfléchir et de résoudre les problèmes, plutôt que de succomber à l’achat impulsif. « C’est aussi une manière de ralentir et de réfléchir à nos actions », souligne-t-il. Jean-Charles est optimiste : en alliant pédagogie, lien social, et réflexion écologique, La Chariotte Répare pourrait bien incarner l’un des métiers de demain, en phase avec la réduction des ressources et les nouveaux modes de vie nécessaires face au dérèglement climatique.
Roman Carlier Del Rio, 15 octobre 2024