Climat : une centaine d’exploitations laitières ferment les salles de traite l’hiver

Les vaches de Maud Cloarec et Franck Le Breton au pâturage, à Haut-Corlay dans les Côtes d’Armor.

Maud et Franck ont décidé de fermer la salle de traite chaque hiver. De grandes vacances pour les vaches, une meilleure qualité de vie pour les éleveurs, la fin des tourteaux de soja venus du Brésil. En France, 100 à 150 exploitations ont adopté des pratiques analogues. Alors de la cour des comptes a sorti un rapport qui prône une baisse du cheptel bovin en France, ces agriculteurs plaident pour des pratiques plus vertueuses, qui permettent de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Un type d’élevage que les pouvoirs publics pourraient soutenir, tout en limitant l’exportation du boeuf, et en traquant la viande issue de la déforestation en Amazonie.

« Nos vaches ont plus de vacances que les salariés français »

Franck Le Breton et Maud Cloarec ont une exploitation avec 45 vaches laitières à Le Haut-Corlay dans les Côtes-d’Armor. Dans la suite logique de leur engagement sur l’environnement et le climat, ils ont décidé d’arrêter de traire leurs vaches en hiver, juste avant Noël 2016. « On s’arrête le vendredi avant les vacances scolaires de Noël et on reprend la traite début mars. Nos vaches ont plus de vacances que la moyenne des salariées français. » ironise Franck, « mais c’est avant tout une démarche respectueuse du rythme de la nature qui permet d’améliorer la qualité de vie des éleveurs et leurs revenus. » Pour la qualité de vie, on voit bien : ne pas se lever pour aller traire aux aurores dans le froid.« Et puis, précise Maud, l’alimentation d’un cheptel de vaches taries, la surveillance et les soins aux génisses représentent seulement une dizaine d’heures d’astreinte par semaine. C’est donc facile à déléguer. On peut prendre des vacances. » Et pour les revenus ?

Des revenus bien supérieurs à la moyenne pour moins de travail

En France, les vaches laitières sont nourries en moyenne à 15% en pâturage naturel. Celles de Franck et Maud ne mangent que de l’herbe. « C’est une économie d’achat d’aliments, notamment les fameux tourteaux de soja importés du Brésil, de pesticides, d’engrais, d’usure des machines agricoles qui ne sont plus utilisées pour la manutention des aliments. En ce qui nous concerne, on a revendu du matériel agricole. L’un dans l’autre, on s’en sort mieux. Et on a ce sentiment d’être plus respectueux des rythmes naturels. » Maud renchérit : Avec leurs quatre estomacs, les vaches sont faites pour manger de l’herbe. Lorsqu’elles sont nourries autrement, elles ont souvent des maladies chroniques. Finalement, le retour à une alimentation naturelle des vaches permet de réelles économies et procure des revenus bien supérieurs à la moyenne pour beaucoup moins de travail. »

« Notre viande est climato-vertueuse »

« J’ai déjà entendu que pour sauver le monde, il fallait pisser sous la douche, acheter une gourde et arrêter de manger de la viande », plaisante Franck, mais c’est faux ! La viande bovine qui vient de nos vaches vieillissantes est une viande avec un impact carbone positif. Nos pâturages entourés de haies et de bocages captent du carbone, et cela compense bien le méthane des rôts des vaches. D’autant plus qu’on ne produit plus de protoxyde d’azote, que l’on trouve dans les engrais chimiques. On est clairement sur une pratique climato-vertueuse pour la viande et pour le lait. » Une affirmation qui mériterait d’être étayée et précisée par des études scientifiques pour évaluer la captation de carbone. Unmondemeilleur.info a sollicité plusieurs scientifiques à ce sujet. L’enquête est en cours.

« Une évaluation globale »

Franck Le Breton prône une évaluation globale du rôle de l’élevage bovin en France, en appelant les pouvoirs publics à soutenir ce type d’exploitation. Ces pratiques plus vertueuses sont en tout cas moins polluantes que l’exportation du boeuf, d’autant qu’une enquête du consortium de journalistes Forbidden Stories montre qu’il y a encore des exportations de viande issue de la déforestation en Amazonie.

Un livre pour tout expliquer sur ce mode d’élevage

Maud a participé à l’écriture d’un livre sur « les vêlages groupés de printemps » qui explique la démarche, avec cinq autres paysan.nes. Edité au Cédapa, le centre d’étude pour un développement d’une agriculture plus autonome.

10 mars 2023, mise à jour 26 mars 2023, 25 mai 2023, 3 juin 2023

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