Par Anaïs Malardé. Trouver des solutions ensemble au lieu d’entrer en concurrence ? Dans le Finistère, Marie-Lise et cinq autres productrices bio de plantes à parfum aromatiques et médicinales, ont créé l’association des Paysan.ne.s Herboristes du Bout du Monde en 2022. L’idée : se rencontrer, s’entraider, échanger et créer une dynamique positive sur le territoire, alors que le nombre de nouvelles exploitations ne cesse de grimper. Leurs rencontres, au printemps, à l’été et à l’automne, sont ouvertes au public.
Une forte attractivité de l’herboristerie
Alors que le nombre d’agriculteurs exploitants en France ne cesse de diminuer, la filière des Plantes à Parfum Aromatiques et Médicinales (PPAM) se porte bien: d’après le panorama établit par FranceAgriMer en 2020, les surfaces cultivées en bio ont largement augmenté entre 2007 et 2020. Une tendance qui se confirme, puisque le nombre d’exploitations a augmenté de 13,2 % en un an, entre 2019 et 2020.
Marie-Lise fait partie de celles et ceux qui ont lancé leur activité sur cette période : elle s’est installée en tant que paysanne herboriste sur environ 3000 m2 de terrain à Riec-sur-Belon dans le Finistère. Dans son champ, tout près des pommiers du verger voisin et à l’abri de grandes haies, elle cultive diverses variétés de plantes aromatiques et médicinales. Une fois récoltées, Marie-Lise les emporte dans son atelier : un mobile-home, aménagé selon les besoins de son activité. Il y flotte une agréable et puissante odeur de plantes séchées. C’est effectivement ici qu’elle procède au séchage de ses récoltes, dans une pièce lambrissée, maintenue dans l’obscurité et munie d’un déshumidificateur. Puis, une fois cette étape
terminée, elle confectionne ses mélanges de tisanes et d’aromates, qu’elle vend ensuite sous le nom « Les Herbes du Verger ». Pour elle, le métier attire car il représente « la création, la nature, les parfums, la santé et la sauvegarde de connaissances ancestrales ».
Une activité difficile qui n’est pas reconnue en France
Un métier passion qui présente aussi son lot de difficultés, tant physiques que financières : « le prix des produits finis n’est pas proportionnel au temps de travail. », indique Marie-Lise. A la
complexité du travail d’agriculteur viennent s’ajouter d’autres problématiques. En effet, le diplôme d’herboriste n’est à ce jour pas reconnu en France, bien qu’il existe une attestation de compétence, délivrée par l’association pour le renouveau de l’herboristerie (ARH). Pour Marie-Lise, c’est une lutte pour la reconnaissance de son métier, pour « le droit d’exercer notre activité sans épée de Damoclès sur la tête ».
Autre point de crispation, la restriction de la vente à une liste de 148 plantes médicinales autorisées, « pour éviter une concurrence déloyale avec les pharmacies » précise Marie-Lise, ce qu’elle regrette : « nos métiers sont plutôt complémentaires et nous pourrions travailler ensemble ». De son côté, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ansm) note, en préface de la liste des plantes médicinales de la pharmacopée française de 2012, que ces 148 plantes ont été identifiées, au regard de leur usage quotidien « dans des produits cosmétiques, alimentaires ou en tant que condiments ». Usage qui ne justifiait donc pas de les « restreindre dans un circuit de distribution sous monopole pharmaceutique exclusif ». Dans un rapport d’information sénatorial datant de 2018 (n°727 déposé le 25/09/2018), deux propositions sont faites à ce sujet. Bien qu’il soit précisé dans le rapport que certains jugent cette liste suffisante, la première proposition vise à « réexaminer la liste des 148 plantes médicinales « libérées » du monopole pharmaceutique, en particulier pour y intégrer des plantes d’outre-mer ». La seconde propose « d’associer à la liste des plantes médicinales « libérées » du monopole pharmaceutique leurs usages traditionnels reconnus et validés concernant les petits maux du quotidien ».
Parier sur la force du collectif pour s’en sortir
Dans ce contexte, face à la progression constante du nombre d’installations et aux difficultés rencontrées dans leur métier, six productrices du Finistère ont décidé de se serrer les coudes. En 2022, « l’idée est née d’un regroupement inter-producteurs afin de trouver des solutions, des moyens communs d’entraide, de partages, et surtout d’éviter la concurrence dévastatrice » raconte Marie-Lise. « Le but principal est de pouvoir vivre chacun de nos métiers-passions sans se gêner les uns les autres et en développant un système d’entraide ». Sous cette impulsion, l’association des Paysan.ne.s Herboristes du Bout du Monde
voit le jour. Elle permet aux producteurs du Finistère de se rencontrer, de se rassembler et d’échanger lors d’événements organisés trois fois par an : la printanière, l’estival et l’automnale.
Des regroupements ouverts au public
« On s’est dit que puisqu’on allait tous se réunir, pourquoi ne pas tenter d’ouvrir un marché public en même temps » se rappelle Marie-Lise. Le but est de faire découvrir au public « quelques facettes de nos métiers en proposant des animations, ateliers, conférences et faire vivre ce métier qui a failli partir aux oubliettes ». Balades botaniques, ateliers de semis, boutures, découvertes olfactives… Les animations proposées sont multiples et ouvertes à tous. L’année dernière, le succès était au rendez-vous : « trois marchés-regroupements ont déjà eu lieu en 2022, et ont vu le nombre de producteurs et de visiteurs augmenter à chaque nouvelle édition ». Toutes les informations sur les événements organisés sont disponibles sur le site des Paysan.ne.s Herboristes du Bout du Monde.
Toutes les informations sur le site des Paysan.ne.s Herboristes du Bout du Monde.
28 mars 2023, mise à jour 21 avril.