
La Cour européenne des droits de l’homme a condamné jeudi 31 janvier 2025 la France pour avoir estimé qu’une femme qui refusait des rapports sexuels à son mari était fautive en cas de divorce. A partir d’avril 2025, il ne sera plus possible d’accorder un divorce pour faute à ce titre dans les 46 États membres du Conseil de l’Europe qui ont ratifié la Convention. C’est incroyable que des hommes et des femmes ( essentiellement des femmes) aient subi des décisions de justice obligeant aux relations sexuelles dans le mariage. Unmondemeilleur.info salue donc cette avancée.
« Un tournant dans la lutte pour le droit des femmes »
Vous pouvez trouver ici la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour avoir estimé qu’une femme qui refusait des rapports sexuels à son mari était « fautive » en cas de divorce. « J’espère que cette décision marquera un tournant dans la lutte pour les droits des femmes en France », a réagi la Française concernée, une femme âgée aujourd’hui de 69 ans dont le mari avait obtenu le divorce aux torts exclusifs de son épouse au motif qu’elle avait cessé d’avoir des relations sexuelles avec lui depuis plusieurs années.
Reprenons l’histoire
Après 28 ans de mariage et quatre enfants, H. demande le divorce pour « faute » en 2015. Elle estime que son conjoint, J. C., a « privilégié sa carrière professionnelle au détriment de leur vie familiale » en se montrant « irascible, violent et blessant », rappelle la CEDH. De son côté, J. C. estime que la fin de leur union est la faute de son épouse, qui s’est « soustraite au devoir conjugal pendant plusieurs années » et qui a « manqué au devoir de respect mutuel entre époux en proférant des accusations calomnieuses à son égard ». En 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles prononce le divorce pour « altération définitive du lien conjugal ». L’ex-épouse fait appel de ce jugement. En 2019, la cour d’appel de Versailles estime que son refus de relations intimes constitue bien « une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune », selon les termes du Code civil. Le Code civil précise que « les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie », ce que certains juges ont interprété par une obligation de relations sexuelles. Plusieurs cas ont été relevés ces dernières années par les observateurs du droit. La jurisprudence sur le « devoir conjugal » a même été confirmée en 1997 par un arrêt de la Cour de cassation.
La CEDH considère que la France n’a pas respecté la « liberté sexuelle »
Dans le cas qui nous intéresse, H a saisi la CEDH en estimant que la position de la justice française est « indigne d’une société civilisée ». Elle souhaitait faire constater qu’il existe une violation de son droit à « ne pas consentir à des relations sexuelles ». Dans l’arrêt la CEDH « observe qu’il résulte d’une jurisprudence ancienne mais constante de la Cour de cassation que les époux sont tenus à un devoir conjugal et que son inexécution peut constituer une faute justifiant le divorce ». Cependant, elle estime que le « devoir conjugal » ainsi consacré « ne prend nullement en considération le consentement aux relations sexuelles ». « L’existence même d’une telle obligation matrimoniale est à la fois contraire à la liberté sexuelle, au droit de disposer de son corps et à l’obligation positive de prévention qui pèse sur les Etats contractants en matière de lutte contre les violences domestiques et sexuelles ». OUF !
Le gouvernement français a trois mois pour demander un renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la CEDH. Ensuite, l’arrêt deviendra définitif. Plusieurs déclarations de membres du gouvernement laissent entendre que l’exécutif ne contestera pas l’arrêt rendu par la juridiction. Dès fin avril, cet arrêt rendra donc impossible le divorce pour manquement au « devoir conjugal » dans 46 pays.
Valérie Le Nigen 9 février 2025