Deux murgas créées en France : de l’art et de l’énergie dans les manifs

Ici, la première murga de France à Douanenez, en Bretagne. Des files de danseurs et danseuses, vêtus de lévitas, précèdent des files de percussionnistes.

Deux murgas ont été créées en France. Les murgas ? Ce sont des formations de percussionnistes et de danseurs et danseuses engagé.e.s dans les luttes. Le concept vient d’Argentine et d’Uruguay. Il est déjà très développé en Italie. Une première murga a été créée à Douarnenez dans le Finistère en janvier 2023. Une deuxième est née à Paris début décembre 2024. De quoi insuffler un très haut niveau d’énergie dans les manifs.

Des domestiques ou des esclaves qui se libèrent de leurs chaînes : plusieurs récits ou légendes sur l’origine des murgas

L’histoire des murgas mériterait un article dédié. En Argentine, avance prudemment Bastien Maubert, dit « Basti « , l’un des deux initiateurs de la première murga de France, cette forme de murga s’est développée avec des files de danseurs qui précèdent des percussionnistes. Ce sont des murgueros et des murgueras habillés de lévitas. Ces vêtements sont inspirés des vestes à queues de pie que les esclaves, puis les domestiques, retournaient pour se moquer de leurs maîtres, probablement au moment du carnaval. Elles étaient retournées du coté soyeux. Aujourd’hui, les murgas se confectionnent des levitas avec des tissus satinés et colorés. » Les chorégraphies sont souvent inspirées « de mouvements qui symbolisent la libération des chaînes, avec des tremblements du corps et une certaine maladresse feinte, en signe de dérision des pouvoirs« , explique Sarissa, qui a co-fondé la murga de Douarnenez avec Basti. Quand à la musique, « l’essentiel est un bombo, autrement dit une grosse caisse, avec des cymbales (des platillos en espagnol) et des sifflets. Il y a généralement aussi des caisses claires et des surdos », précise Bastien. Voilà l’essentiel qui caractérise la forme de murga créée en France, inspirée des murgas d’Italie, elles-mêmes dans la tradition des murgas d’Argentine. Les murgas d’Uruguay ont une autre forme, avec plus de théâtre, moins de rue, et plus de chants.

La murga de Douarnenez,en Bretagne, lors de sa première sortie publique.

La transmission de Naples à Douarnenez

Un jour, à Naples, en 2016, Sarissa est tombée par hasard sur Basti qui tapait sur des poubelles, piazza San Domenico. Elle l’a incité à rejoindre les répétitions de la murga Los Espositos. Bastien est resté cinq ans dans cette murga, en liant une solide amitié avec Sarissa. Quand celle-ci a déménagé en Bretagne, à Douarnenez, Bastien s’est aussi rapproché de ses origines bretonnes et ces deux murguero et murguera ont décidé de créer la première murga de France, avec l’aide de quelques Italiens qui se sont déplacés le week-end du 28 janvier 2023. Depuis, à Douarnenez, une petite centaine de personnes ont été formées aux rythmes et chorégraphies classiques d’une murga. On les a trouvées dans toutes les manifestations sociales, contre les retraites, l’extrême droite, le climat, les marches des fiertés, le carnaval de Douarnenez. « Les murgas sont inspirées de la critique sociale des carnavals. À Douarnenez, il y a tous les ingrédients, entre le carnaval et l’engagement de beaucoup d’habitants. », constate Basti.

À Paris, un week-end de création inoubliable

Fédérica D’Amato avait déjà co-fondé la murga d’ Andria, dans les Pouilles et s’était déplacée à Douarnenez pour soutenir Bastien et Sarissa lors du week-end de lancement de la formation bretonne. Alors qu’elle était encore installée à Paris, des amis de murgueros douarnenistes, ont fait part de leur motivation à créer une murga parisienne. Avec Julia et d’autres initiés, elle a fait venir des murgas de Naples, Gênes, Turin et Douarnenez. Après une soirée « atelier de fabrication de mailloches en laine « , suivie d’une journée de transmission des principaux rythmes en percussion et des principes chorégraphiques, les murgas ont directement plongé les débutants parisiens dans la foule, avec une déambulation sur les quais de Seine, à Notre-Dame, en passant par l’Hôtel de Ville et la fontaine Stravinski près de Beaubourg. « En Italie, les murgas sont regroupées dans « Il Frente murguero italiano « , autrement dit le front italien des murgas, ce qui permet des projets communs, comme aller dans un quartier populaire de Naples pendant le carnaval, faire évoluer des chorégraphies, ou s’organiser pour des luttes. » Anahi est une franco-argentine qui a vécu à Naples : « C’est très motivant de participer à la création de la murga de Paris. En Argentine, il y a des murgas dans énormément de quartiers, parfois liées au foot. Et elles sont toutes engagées dans des luttes. C’est une énergie positive. C’est une bonne idée à Paris. »

Qui sait ? Au détour d’une manifestation ou d’un rassemblement, vous découvrirez peut-être les couleurs, les sauts, les tambours, de ces premières murgas françaises. Une énergie qui fait du bien.

14 décembre 2024, Valérie Le Nigen

Pour joindre la murga de Douarnenez, sur Instagram

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