Des artistes réfléchissent à une ville pour tous.t.e.s

Par Olga Poyet. Jusqu’au 24 juillet 2022, la Condition Publique, centre culturel à Roubaix, propose une saison-événement autour de la « ville inclusive ». Deux expositions invitent le visiteur à une réflexion sur les liens qu’entretiennent les femmes avec l’espace public et les luttes de genre qui le traversent. On s’y est baladé et on a adoré. Allez, on vous embarque.

Changer le regard sur la femme

« L’art ne produit pas le visible, il rend visible ». Sur un mur de l’exposition « Urbain.es », cette citation du peintre allemand Paul Klee révèle succinctement ce à quoi les 27 artistes présentés dans la grande galerie ont travaillé. Les deux expositions constituent un témoignage, une confrontation de regards sur la ville et le genre. Aucune leçon n’est dispensée mais des questionnements sont posés. Dans des villes où la figure féminine renvoie aux stéréotypes publicitaires de genre, affichés sur panneaux géants et dans un monde de l’art qui a longtemps valorisé l’artiste au masculin, l’art urbain travaille à une représentation alternative. Au cœur de l’exposition, des tirages photographiques montrent le travail de l’artiste franco-britannique Yseult Digan. Elle a posé sur les murs d’Abidjan de grands portraits en noir et blanc des vendeuses ambulantes. L’artiste valorise le travail, le courage de ces femmes, elle leur redonne une place singulière dans la cité.

La laine, liée au féminin, détournée dans l’espace urbain

Mais la présence des femmes ne s’exprime pas seulement à travers les représentations physiques. Le travail de Magda Sayek est plus abstrait. Elle intègre la laine à l’espace urbain en habillant des bus, des vélos, des arbres, des sculptures. Elle transforme l’espace public par la matière et la couleur. Magda Sayek détourne la laine de sa pratique traditionnellement liée au féminin.

Un dialogue non genré

L’art pose la question de ce qu’il montre et de celui qui montre. Toutes les œuvres de l’exposition « Urbain.es » ne sont pas réalisées par des femmes car il s’agit de saisir comment l’artiste introduit la figure féminine à son travail de rue, quel que soit son genre. L’exposition est en quelque sorte, à l’image de la ville qu’elle défend, inclusive.   

Affronter et raconter le conditionnement par le genre

Dans l’autre exposition de la saison qui s’intitule « Des futurs désirables », les collections du Frac Grand Large se mêlent aux productions des jeunes du Labo148, laboratoire d’expérimentation entre pratiques artistiques et journalistiques. Là encore, il est question d’occupation de l’espace public. L’exposition est construite comme une argumentation en plusieurs temps. Il s’agit d’abord de mettre en perspective les stéréotypes liés au genre et d’en faire une critique artistique. Les œuvres proposent ensuite d’examiner les libertés et les contraintes que les normes genrées imposent au sein de l’espace public. Des récits sonores réalisés par les participants et les participantes du Labo148 témoignent de ces oppressions de genre en racontant des expériences vécues.

Et vous, quel serait votre futur désirable?

Ce cheminement conduit à une réflexion sur les luttes politiques et les engagements artistiques contemporains qui pensent une société plus juste. À la fin de l’exposition, c’est au visiteur que l’on s’adresse : « Et vous, quel serait votre futur désirable ? ». Nous, on s’est laissé prendre dans ces dialogues artistiques, cette perspective joyeuse et révoltée d’une ville où la diversité des genres s’exprimerait sans contrainte…

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