Danser sur tout. Y compris les maladies de la mémoire

Iona Gauchet danse les corps des mamies parties dans maladies de la mémoire,avec réalisme et poésie. Crédit : Armelle Lechien

Elle danse les corps des mamies séniles qu’elle a rencontrées. Une danse magnifique. En accentuant, transcendant les gestes, les postures de vieilles dames atteintes de maladies de la mémoire. Alzheimer, quoi ! Comment cela s’appelle déjà? Les maladies neuro-évolutives. 45 minutes de danse, de texte, de poésie, de rire et de moments glaçants. Le spectacle « Ballade à Mamie » de la compagnie K’Elle, basée en Bretagne, est à promouvoir.

Elle prend le fer à repasser comme un téléphone. Elle est perdue dans ses dentelles et on a peur pour elle. Iona danse la sénilité dans une série de tableaux qui nous embarquent dans la perte des mots, les postures d’un corps qui ne sait plus décrocher le téléphone. Et le spectateur est étonné quand Iona demande avec insistance de décrocher lui même ce fichu téléphone qui sonne dans le public. Quand, enfin, quelqu’un dans la salle soulève le combiné, c’est la bande son qui prend le relais. Dialogue avec mamie.

S’émerveiller de l’instant présent avec un(e) malade d’Alzheimer?

« Puisqu’on ne peut changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les
voiles »*. Puisqu’on ne peut guérir la maladie d’Alzheimer, il est préférable de prendre
le temps de la rencontrer.
Iona Gauchet, danseuse d’une trentaine d’années, formée au Chili, installée en Bretagne Sud, parle à ses propres grands mères. Elle a collecté témoignages et gestes de personnes atteintes de sénilité. De proches et d’aidants aussi. « Ballade à Mamie » est un reportage artistique qui raconte la perception de cette maladie à partir de différents points de vues : une cueillette de tendresses au pluriel, de moments poétiques, d’histoires vécues. Avec des moments qui permettent de s’émerveiller sur un instant. Puisque ces mamies vivent au présent.

Comment habite-t- on le temps?

Des moments stressants aussi. Par exemple, lorsque Iona disparait dans des gestes saccadés, derrière des rideaux de dentelles, avec une musique qui monte en intensité et une lumière de flash. Est-on à l’intérieur de la conscience d’une personne encore lucide de ce qui lui arrive? Est- ce seulement nos peurs? Pour certains aidants dans le public, la scène est à la limite du supportable, mais elle est courte et Iona revient à de la légèreté. Un ventilateur qui fait s’envoler les chiffons blancs de la mémoire, un temps de danse où l’on passe du sol à la station debout dans une boucle ( presque) infinie.  » Comment habite-t-on le temps? Comment s’installe le trouble ? Comment se danse la démence? J’ai voulu interroger ce qui se vit, explique Iona. Envie aussi de célébrer ces anciens. Mes grands mères de coeur dont la mémoire s’efface.

Vivre avec les 46 millions de personnes atteintes de démence dans le monde

Un extrait de mon témoignage personnel d’aidante ouvre le spectacle. Et je me fais embarquer par les questions posées par Iona. Selon la fondation Vaincre Alzheimer, un million de personne sont touchées en France par Alzheimer. Sans compter les autres maladies de la mémoire.Sans compter toutes les personnes non diagnostiquées. 46 millions de personnes de par le monde, selon la fondation. De quoi s’interroger sur comment protéger sans enfermer, partager ces nouvelles tranches de vie sans crainte. Mais c’est une autre histoire.

31 octobre 2021

Si vous souhaitez programmer ou faire programmer ce spectacle, la première représentation est à 1500 euros, tarif dégressif pour la deuxième représentation. Renseignement auprès de la Compagnie k’Elles / cie.k.elles@gmail.com

*Citation de l’acteur américain James Dean, repris dans le roman « Tout le bleu du ciel » / de Mélissa Da Costa.publié en 2020

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