
Alors que l’urgence de lutter contre le dérèglement climatique est cruciale, alors que l’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), des musulmans s’emparent de la question en se basant sur le Coran. Concrètement, dans plusieurs pays, notamment en Indonésie ou en Grande Bretagne, des mosquées écologiques soutiennent un appel à modifier les comportements. En France, cette pensée est encore sous-représentée, mais elle émerge. Dans la métropole lilloise, Samed Kaya, vice-président de la mosquée DITIB Lille Fatih Camii, dans le quartier de Lille-Fives, s’intéresse à cette question. Nous l’avons rencontré.
« L’écologie est l’un des fondements moraux et spirituels de la pensée islamique »
« La protection de la nature fait partie intégrante de la pensée islamique. Son livre sacré, le
Coran, éveille au respect de l’ordre naturel et indique que l’Homme n’est pas le propriétaire absolu de la terre, mais bien son gardien temporaire, » observe Samed Kaya, qui est aussi vice président de l’Association Culturelle des Travailleurs Turcs (ACTT) dans la métropole lilloise. En France, on constate une sous-représentation de ce pan de l’islam, et pourtant “L’écologie n’est pas un sujet secondaire dans la pensée islamique, elle en est l’un des fondements moraux et spirituels” explique Samed Kaya. Verset après verset, le Coran appelle à prendre conscience du lien qui unit tous les écosystèmes, la nature et l’Homme. “Même un instant avant la fin du monde il faut planter un arbre”, enseigne par exemple le Prophète Muhammad, dans un célèbre hadith, un des nombreux recueils de ses dires et actes, » précise Samed Kaya.
D’Indonésie à la Grande Bretagne, des mosquées vertes
Depuis plusieurs années, de nombreuses initiatives écologiques sont nées et tentent de
s’imposer face à la passivité, de nombreux acteurs politiques. C’est le cas en
Indonésie : depuis plus de 20 ans un “islam vert” se développent dans l’un des pays les plus
pollués au monde. Les initiatives “d’éco-ramadan”, de “mosquées vertes”, où des
organisations musulmanes tels que le Conseil de l’environnement ou le Mouvement de
cadres verts pour la Muhammadiyah, sont autant de manifestation d’un islam qui se veut
soucieux des enjeux environnementaux.“Partout dans le monde, des initiatives de mosquées vertes s’engagent dans l’économie d’énergie, le tri des déchets, le nettoyage collectif ou encore la récupération des eaux de pluie”, constate Samed Kaya, qui cite l’exemple de la Cambridge Central Mosque au Royaume-Uni, considérée comme la première mosquée entièrement écologique d’Europe.

À Lille, des projets concrets
Emre Yılmaz, président de la mosquée DITIB Lille Fatih Camii, et Samed Kaya s’engagent eux aussi à rendre leur mosquée plus respectueuse de l’environnement à travers plusieurs initiatives. “Nous sommes arrivés aux responsabilités cette année, et avons voulu dès le départ, impulser une dynamique de modernisation et de sobriété”.
Plusieurs projets sont donc en préparation, tels que l’installation de panneaux solaires,
l’usage de matériaux éco-responsables pour les prochains travaux et l’installation d’un
chauffage à thermostat connecté, pour mieux réguler la consommation, selon les horaires
de prière. Selon Samed Kaya, “la crise écologique n’est pas seulement une crise du climat, mais aussi une crise du regard. L’Homme ne voit plus la nature comme un signe de Dieu, mais comme un stock de ressources”.

1, 6 milliards de musulmans à convaincre et à mettre en mouvement
Selon Samed Kaya, les pratiques musulmanes contemporaines, s’inscrivent au sein d’une d’histoire vieille de plus de 1400 ans. “De Cordoue à Istanbul, la civilisation islamique a toujours vu l’écologie comme un devoir spirituel”, rappelle Samed Kaya, qui ajoute, “les Ottomans ont concrétisé cette vision par des waqf (fondations pieuses) consacrées à la distribution d’eau, à la plantation d’arbres ou à la nourriture des animaux errants”.
Plus récemment, en août 2015, la Déclaration islamique sur le changement climatique a
été adoptée par des responsables religieux, intellectuels et scientifiques, venus de plus de
20 pays musulmans. Ce texte invite les pays à éliminer progressivement les émissions de
gaz à effet de serre et à passer aux énergies renouvelables, en trouvant rapidement un
accord lors de la COP 21. Depuis, des chefs religieux s’adressent aux 1,6 milliards de
musulmans dans le monde, afin qu’ils jouent un rôle actif dans la lutte contre le changement climatique. Pour Samed Kaya, “ce n’est que le début, car la parole ne suffit
plus. Certains pays à majorité musulmane sont encore loin d’avoir accompli leur transition écologique”. Samed Kaya estime que le dialogue interreligieux est aussi une piste à consolider pour l’éveil des consciences d’une partie de la population mondiale : “la nature n’a pas de religion, mais toutes les religions ont une parole pour la nature, l’écologie est un langage commun, un terrain d’action, de respect et d’humilité”.
11 décembre 2025, Timéo Stalica
À garder en tête sur la question du climat :
- Nous, les êtres humains, nous émettons environs 40 milliards de tonnes de CO2 chaque année. Et cette production continue à augmenter ! Les politiques actuelles de décarbonations sont insuffisantes et nous amène à une trajectoire d’une augmentation en 2030 d’1, 5°C (degré celsius) dans le monde et 2° en France. 3° à l’horizon 2100, soit 4° sur la France.
- L’accord de Paris fixe une limite à 1, 5°C pendant au moins 20 ans.
- Selon Météo France,La concentration en CO2 a augmenté de 50 % depuis le début de l’ère industrielle.Cette augmentation est l’un des facteurs majeurs de l’effet de serre additionnel causé par l’homme depuis 1850.
- La hausse du niveau marin d’ici 2100 sera de l’ordre de 50 cms à un un mètre selon le rapport 2014 du Giec mais pourrait aller jusqu’à deux mètres selon certains spécialistes. 200 à 300 millions de personnes sont menacées de voir leurs territoires disparaitre.






