Des libraires expérimentent une trêve des nouveautés, sans baisse de chiffre d’affaires

Les libraires qui ont expérimenté une trêve des nouveautés n’ont pas constaté de baisse de leur chiffre d’affaires.

À l’appel de l’association Pour l’écologie du livre, 19 libraires ont expérimenté une « trêve des nouveautés » pendant six mois. Quand on sait qu’un livre sur deux, sorti en nouveauté, sera détruit, cette expérimentation est très intéressante d’un point de vue écologique. C’était aussi courageux. Or, ces libraires n’ont pas subi de baisse de chiffre d’affaires, ni de tension avec la clientèle. L’expérience va d’ailleurs être renouvelée en mars et avril 2025.

 » On est dans un système de production qui s’accélère »

« Il faut comprendre qu’on est dans un système de production du livre qui s’accélère. Moins il y a de demandes et plus il y a d’offres », explique Anaïs Massola, présidente de l’Association Pour l’ecologie du livre. Aujourd’hui, les taux de retour sont de 28 % au niveau national, 20% pour les libraires indépendants qui travaillent de façon plus fine. Bref, en nouveauté, un livre sur deux qui sort en en France va être détruit. « Dans cette chaîne, nous, les libraires, on a dû travailler ces dernières années avec de plus en plus de titres. Nos trésoreries se sont fragilisées, en lien avec trop de stock et un taux de retour important. Et on a constaté une baisse de sens de nos métiers. Alors, on s’est dit : puisqu’on n’y arrive pas, faisons une pause. »

Une trêve à la carte

La trêve a été organisée comme une recherche action, de janvier à juin 2024. « On était un peu inquiets des réactions des clients, des représentants et pour nos chiffres d’affaires. Alors chacun a expérimenté cette trêve comme il le souhaitait. Certains, un mois sur deux. D’autres seulement sur certains secteurs, comme celui de la jeunesse ou le secteur adulte. » Finalement cette trêve des nouveautés superflue a été très bien comprise par les clients… lorsqu’ils s’en apercevaient. « En littérature adulte, il y a quatre ou cinq titres en nouveauté par mois, que les clients viennent chercher. La plupart des libraires ont gardé ces titres. La majorité des représentants ont aussi compris la démarche, et s’il y a eu quelques menaces à peine voilées de la part d’une minorité, dans l’ensemble, cela s’est bien passé. » résume Anaïs Massola. Quant au chiffre d’affaire, une librairie sur dix-neuf a constaté une légère baisse sur la période, sans pouvoir dire s’il y a un lien avec la trêve.

Un deuxième acte en mars-avril 2025

« Il faut expérimenter une trêve. Nous, libraires, nous aimons déballer des cartons, lire des nouveautés. Il faut voir comment on vit ce changement. Il faut aussi vérifier qu’on s’attaque bien aux grosses maisons d’édition, et pas aux petites qui ne participent pas à la surproduction. » réfléchit Anaïs Mossola. « On travaille à un acte 2 en mars-avril. En envisageant d’échanger avec des maisons d’édition et des diffuseurs. »

Valérie Le Nigen, 8 octobre 2024

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